Cour de cassation, 15 Avril 2013 – n° 12CRD.036
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Cour de cassation
15 Avril 2013
Publié
M. Castres José
Contentieux Judiciaire
M.
Straehli, Président
M. Laurent, Rapporteur
Mme Valdès-Boulouque, Avocat général
Me Cohen, Me Meier-Bourdeau, Avocat
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Audience publique du 25 mars 2013
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale , composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, M. Laurent, conseiller référendaire, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL PARTIEL du recours formé par M. José X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Toulouse en date du 28 septembre 2012 qui a déclaré sa requête en indemnisation irrecevable
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 25 mars 2013, en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Cohen, avocat au barreau de Toulouse, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de L'Etat ;
Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Laurent, les observations de Me Meier-Bourdeau, avocat représentant l'agent judiciaire de l'Etat, les conclusions de Mme l'avocat général Valdès-Boulouque ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que M. José X... a, le 9 avril 2011, saisi le premier président de la cour d'appel de Toulouse d'une demande d'indemnisation du préjudice matériel et moral subi à raison d'une détention provisoire effectuée du 5 mars 2010 au 14 avril 2010, pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants ayant donné lieu, le 4 novembre 2010, à une décision de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel annulant toutes les pièces de la procédure subséquentes à la commission rogatoire délivrée le 19 mars 2008, y inclus la mise en examen du requérant et la totalité des pièces fondant celle-ci ;
Attendu que, par décision du 28 septembre 2012, le premier président a déclaré cette requête irrecevable, au motif que, le dossier ayant été renvoyé au juge d'instruction, aux fins de poursuite de l'information, la procédure n'était pas achevée et ne pouvait donner lieu, en l'état, à application des articles 149 et suivants du code de procédure pénale ;
Que M. X... a régulièrement formé un recours contre cette décision ; qu'il sollicite l'allocation d'une indemnité de :
- 4 784 euros en réparation de son préjudice matériel résultant des frais de défense exposés ;
- 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , soit 1 000 euros pour la procédure devant le premier président et 1 000 euros pour la procédure devant la commission nationale de réparation des détentions ;
Attendu que l'agent judiciaire de l'Etat et l'avocat général concluent au rejet du recours ;
Sur la recevabilité de la requête :
Attendu qu'il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement lié à la privation de liberté ;
Attendu qu'en édictant ce texte, le législateur a voulu, sauf dans les cas limitatifs qu'il a énumérés, que toute personne non déclarée coupable définitivement ait le droit d'obtenir réparation du préjudice que lui a causé la détention, quelle que soit la cause de la non déclaration de culpabilité ;
Que tel est bien le cas en l'espèce, l'annulation de toutes les pièces mettant en cause M. X..., telles qu'elles avaient été établies à l'occasion de l'exécution d'une commission rogatoire délivrée, par le juge d'instruction, en méconnaissance des limites de sa saisine in rem, ne laissant subsister aucun fait dont ce magistrat serait saisi, à l'encontre du requérant, et privant ce dernier de toute possibilité d'obtenir une décision de non-lieu dans le cadre de cette procédure devenue, en ce qui le concerne, inexistante ;
Qu'il y a donc lieu d'accueillir le recours et de déclarer la requête recevable ;
Sur l'indemnisation du préjudice moral :
Attendu qu'au vu de la situation personnelle de M. X... qui, à la date de son placement en détention, vivait en couple et était père de deux enfants mineurs, avait une santé fragile, justifiant qu'il perçoive l'allocation aux adultes handicapés, et n'avait jamais été incarcéré, l'existence de condamnations antérieures à des peines non privatives de liberté n'étant pas de nature à atténuer le choc carcéral subi, il y a lieu de lui allouer, en réparation du préjudice moral causé par une détention d'une durée d'un mois et neuf jours, la somme de 5 000 euros ;
Sur l'indemnisation du préjudice matériel :
Attendu que les frais de défense, qui incluent les honoraires d'avocat, ne sont pris en compte au titre du préjudice causé par la détention que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté ; qu'il appartient au demandeur d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur pour satisfaire aux dispositions de l'article 12 du décret N° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, avant tout paiement définitif d'honoraires, détaillant les démarches liées à la détention, notamment les visites à l'établissement pénitentiaires et les diligences effectuées pour la faire cesser par des demandes de mise en liberté ;
Attendu que M. X... produit trois factures et un reçu, non détaillés, qui ne permettent pas d'identifier les honoraires correspondant aux seules prestations en lien avec la détention ; que la demande ne peut donc qu'être rejetée ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que l'équité commande d'allouer au requérant une indemnité globale de 2 000 euros, pour l'ensemble de la procédure ;
ACCUEILLE partiellement le recours, et statuant à nouveau ;
DECLARE la requête recevable ;
ALLOUE à M. José X... la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre de son préjudice moral ;
REJETTE la requête pour le surplus ;
ALLOUE à M. José X... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 15 avril 2013 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.
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